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Association DCA
© Juin 2002



LE TÉMOIGNAGE DE PATRICK BAUDRY


Patrick Baudry Patrick Baudry, officier de la Légion d'Honneur, Chevalier de l'Ordre National du Mérite et Colonel de l'Armée de l'Air, est pilote d'essai d'avions militaires et civils. Dès le début des années 80, il obtient sa qualification en tant que cosmonaute sur les vaisseaux soviétiques puis en tant qu'astronaute sur les appareils de la NASA.

Il sera le premier astronaute français effectuant une mission sur la navette Discovery, en 1985. Il est également le pilote d'essai du programme européen de conquête spatiale HERMES. Bref, la maîtrise du risque, la sécurité, c'est son domaine. Que pense-t-il de la conduite automobile et de ses dangers ?

DCA : Sur terre, comment vous déplacez-vous ?

PB : En hélicoptère, chaque fois que c'est possible. En voiture le plus souvent. Je fais aussi de la moto.



DCA : Où est-on le plus en sécurité ? Dans l'espace, le ciel ou la route ?

PB : Sans hésitation, dans le ciel (en avion encore plus qu'en hélicoptère), dans l'espace, et enfin, en dernier, sur la route. Car, dans le ciel comme dans l'espace :
- les voies de circulation sont réellement gérées ;
- on n'admet pas la fatalité ;
- tout accident est considéré comme un échec, et disséqué pour trouver les raisons réelles et en éviter le renouvellement ;
- on n'admet pas l'erreur humaine et on se donne les moyens de l'éviter ;
- on ne laisse voler que ceux qui ont fait preuve de compétences et obtenu une réelle qualification (que ce soit en hélico, avion de tourisme, de transport ou de chasse, voire en vaisseau spatial).


DCA : Que pensez-vous de la politique menée par nos gouvernements de tous bords en matière de sécurité routière ?

PB : C'est un échec permanent et un drame humain inacceptable. Les hommes politiques ne cherchent ni à comprendre les causes de l'hécatombe, encore moins l'endiguer. Ils sont passifs malgré tous leurs discours et leurs mesures inefficaces. Ils ponctionnent 200 à 300 milliards par an aux automobilistes mais n'utilisent ces sommes ni pour gérer, entretenir ou améliorer le réseau routier. Par contre, ils ne se privent pas de culpabiliser les automobilistes au lieu d'assumer leurs propres responsabilités. En bref, ils nous prennent notre argent et nous reprochent d'avoir l'incorrection de mourir sur les routes.


DCA : La vitesse est-elle dangereuse ?

PB : Non, elle n'est quasiment jamais une cause directe des accidents. Il n'y a qu'à voir la faible mortalité sur les autoroutes, où se pratiquent pourtant les vitesses les plus élevées.
Par contre, elle est un facteur évident d'aggravation des conséquences de l'accident.
Passer entre deux arbres à 300 km/h n'a jamais fait de mal à personne. En heurter un à 60 km/h suffit pour mourir. Il faut donc apprendre aux conducteurs à éviter l'accident.
Je trouve d'ailleurs paradoxal de voir la course à la vitesse considérée comme un progrès dans le secteur ferroviaire ou aéronautique, avec l'augmentation de la sécurité qui va de pair, mais diabolisée lorsqu'il s'agit de l'automobile.

DCA : Si vous étiez ministre des transports, quel serait votre programme ?

PB : Je ne serai jamais ministre des transports car je ne suis pas assez "politiquement correct". Je refuse la démagogie consistant notamment à flatter l'électorat par des mesures "populaires". Mais si je pouvais faire quelques suggestions, ce serait :
- analyser objectivement les causes réelles de l'insécurité routière, sans chercher à tout prix à vouloir légitimer des choix politiques pré-établis ;
- prendre en compte l'importance du facteur humain, et à ce sujet :
- améliorer sensiblement la formation en apprenant aux automobilistes à conduire plus concentrés et à porter une grande attention aux autres ;
- garantir une plus grande capacité des automobilistes à conduire, ne pas hésiter à durcir le permis. Il doit être la vraie reconnaissance d'une qualification, la sanction d'une réelle compétence, et non une forme de droit acquis au nom de l'égalité accordé quasi-automatiquement dès lors que le candidat reste sur ses roues pendant la durée très limitée d'un examen succinct ;
- consacrer un budget au moins égal aux taxes versées par les automobilistes pour améliorer le réseau routier ;
- améliorer avant tout la sécurité des véhicules : tenue de route, rapport poids-adhérence, freinage, ergonomie, vision, ainsi que la formation des conducteurs que j'inclus dans la sécurité active. Cette sécurité active est la plus importante car c'est elle qui permet d'éviter l'accident.

DCA : Est-ce que l'industrie aéronautique et la recherche spatiale ont apporté quelque chose à la sécurité des automobiles ?

PB : Oui, depuis longtemps. Des freins à disque (utilisés bien avant leur "découverte" en compétition automobile), au concept d'absorption d'énergie par zones de déformation progressive, en passant par le domaine informatique. Mais depuis une trentaine d'années, l'apport n'est plus aussi marquant, du fait de la puissance de l'industrie automobile et de sa recherche.



DCA : En conclusion, quels conseils donneriez-vous aux membres de DCA ?

PB : C'est très prétentieux de vouloir donner des conseils.Je voudrais juste leur osumettre quelques idées "fortes" pour essayer d'améliorer la sécurité routière au quotidien :
- Toujours considérer la conduite comme une activité sérieuse dans un milieu dangereux et rester donc en permanence très concentré ;
- Faire très attention aux autres ;
- S'adapter à leur niveau de conduite ;
- Bref, être à la fois très sérieux et respectueux d'autrui.

Ces quelques idées sont, je pense, cent fois plus utiles pour la sécurité que de respecter à la lettre les limitations de vitesse ou d'autres règles "sacrées" du Code de la Route.
 
 


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